On n’osait plus y croire. Entre la fermeture du studio en 2011, les difficultés de financements, l’invasion de l’Ukraine et l’incendie des locaux à Prague, STALKER 2 revient de loin. Dire qu’il était attendu relève de l’euphémisme, tant la franchise de GSC Game World est devenue culte auprès d’une communauté de fans toujours plus grande. D’abord confinée à la sphère PC pendant près d’une décennie, une collection sobrement intitulée Legends of the Zone a vu le jour sur PS4, Xbox et même Switch à l’hiver 2023. 15 ans après l’excellent Call of Pripyat, Heart of Chornobyl est enfin là. Et il ne fait pas dans la dentelle. Alors, retour triomphal ou désastre technique ?
Mettez vos masques à gaz et sortez les AK47, car nous allons chercher ces réponses au cœur de la Zone.
STALKER 2 est à l’image de ses prédécesseurs. Il s’agit en effet d’une chimère étrange qui mélange RPG, exploration, survival horror et FPS. Le tout dans un enrobage extrêmement punitif que ne renierait pas Hidetaka Miyazaki (Dark Souls). Une proposition unique, que personne d’autre n’a réellement tenté depuis.
Comme chez ses grand frères, il faudra arpenter l’immense Zone d’exclusion de Tchernobyl. Y combattre des mutants et des bandits, explorer des laboratoires soviétiques désaffectés, et démêler un scénario d’anticipation pas toujours très clair. Tout ça en naviguant entre des factions dont les objectifs et les philosophies sont diamétralement opposées. Le joueur devra donc choisir qui aider, faire du commerce et entretenir son matériel pour avoir une chance de survivre.
L’univers de STALKER est influencé par deux choses. La catastrophe nucléaire de Tchernobyl (1986) et le livre Pique nique au bord du chemin (1972). Il emprunte au premier son contexte radioactif, et au second ses artefacts étranges, ses anomalies mortelles, et surtout le terme « stalker ». Ce qui donne un terrain de jeu immense, dont le lore fascinant et mystérieux constitue un véritable atout. La Zone est un endroit étrange et dangereux où la mort guette à chaque instant.
Le joueur devra se méfier de l’environnement, ainsi que des attaques aléatoires de bandits et de mutants. Il devra aussi déjouer les anomalies pour en extraire des artefacts aussi utiles qu’inestimables. Le titre est punitif, même dans sa difficulté la plus basse, ce qui a toujours été une marque de fabrique de la série. Et la rapproche un peu d’une simulation. Il suffira souvent d’être à découvert quelques instants pour se faire trouer la peau par une patrouille ennemie qui passait par là. Où de mettre le pied où il ne fallait pas pour être soulevé de plusieurs mètres avant d’être démembré par une force inconnue.
A l’instar de ses aînées, Heart of Chornobyl se distingue par une ambiance et une atmosphère extrêmement prenantes. Les paysages désolés baignent dans des effets météos de toute beauté où la pluie, les tempêtes et les orages sont monnaie courante. Le sound design n’est pas en reste avec des nappes éthérées qui ne font que sublimer le sentiment de mystère et d’inconfort. La Zone semble vivante, et en devient presque le personnage principal de l’aventure.
Mais l’action ne se déroule pas qu’à l’extérieur. Il sera souvent question d’explorer des bases souterraines. C’est ici que le titre devient un « survival horror » avec ses couloirs sombres et étroits, sa pénombre constante et ses mutants difformes aux pouvoirs surnaturels. Le jeu devient alors plus oppressant que jamais. Un délice.
Le système A-life a toujours été l’une des composantes de la franchise. Il permet en effet de simuler la vie et la routine de chaque PNJ. Si la mécanique semble avoir été désactivée pour la sortie de Heart of Chornobyl, elle fait graduellement son retour. Et transcende littéralement l’expérience : la Zone est plus imprévisible que jamais, pour le meilleur et pour le pire. J’en veux pour exemple cet instant nocturne où j’approchais d’une ruine, avant de me faire canarder par des membres du Monolithe. En sous effectif, chargé ras la gueule de loot, j’essaie tant bien que mal d’éviter les tirs et de me mettre à couvert. Je jette un coup d’œil et je suis les faisceaux des lampes avant d’appuyer sur la détente. C’est peine perdue dans le noir total. Je me cache et j’attends. J’entends soudain des cris et des tirs. Mon compas m’indique que toute menace a disparu. Je sors timidement de ma cachette et m’approche à pas de loup. Emergent alors des buissons deux membres du Devoir, armés jusqu’aux dents, me saluant d’un cordial « priviat ». Rien de tout cela n’était scripté, et c’est ce qui rend le titre encore plus génial.
Sur une configuration moyenne, le jeu est loin d’être le désastre annoncé par certains. Sans compter qu’en à peine 3 semaines, le titre a déjà reçu pas loin de 3 patchs majeurs appliquant des centaines de correctifs. Avec un Ryzen 7 5800x, une RXT 4060 et 16gb de ram, le titre maintient un framerate constant aux alentours de 50 fps. Les puristes hurleront au downgrade. Les autres se contenteront d’un jeu visuellement dans la norme et qui se distingue par une direction artistique et une approche unique. Et dont la sortie est un petit miracle vidéoludique.
Heart of Chornobyl est tout ce qu’on attendait. Un jeu singulier, exigeant et immersif, dans la lignée de ses aînés. On lui pardonnera volontiers une introduction poussive, une histoire un peu confuse et des finitions approximatives. Le titre de GSC ne parlera sans doute pas à tout le monde, mais ceux qui se laisseront séduire ne le lâcheront pas de si tôt. Sans compter que le studio suit son poulain de très près avec la promesse de MAJ régulières et d’un mode multijoueur. Vous l’aurez sans doute compris, j’ai d’ores et déjà mon GOTY 2024.
Test réalisé par Florian