Je suis fan de Blake et Mortimer depuis gamin. Depuis la mort de Edgar P. Jacobs, je n’ai pas vraiment suivi les reprises (malgré leur certaine qualité). Si les nouveaux dessinateurs (Ted Benoit, André Juillard, etc..) avait respecté le graphisme Jacobs, avec Le Dernier Pharaon, on change de cap avec un style clairement à l’opposé de la ligne claire habituelle. C’est en effet le grand François Schuiten qui est aux manettes, en proposant un style réaliste hachuré dont il a le secret, et surtout de magnifiques architectures…
« Par Horus, demeure ! » Le souvenir de la Grande Pyramide hante à nouveau Mortimer. Ses cauchemars commencent le jour où il étudie d’étranges radiations qui s’échappent du Palais de Justice de Bruxelles : un puissant champ magnétique provoque des aurores boréales, des pannes dans les circuits électroniques et d’épouvantables hallucinations chez ceux qui y sont exposés. La ville est aussitôt évacuée et enceinte d’un haut mur.
Pour venir à bout du rayonnement, l’armée a conçu un plan qui met en péril l’avenir du monde. Pour Blake et Mortimer, malgré leurs vieilles querelles, malgré leur âge, il va s’agir de repartir à l’aventure, vers une Bruxelles abandonnée pour tenter encore une fois de sauver le monde. Et s’apercevoir que la zone interdite n’est pas si abandonnée que cela.
Ce qu’ils trouveront là est en lien avec leur aventure passée, celle qui les avait menés au temps de leur jeunesse, vers les mystères de la Grande Pyramide.
Clairement en apparté des épisodes habituels, Le Dernier Pharaon est presque un hommage à l’œuvre de Jacobs avec notamment la référence à l’un de ses plus beaux albums : Le Mystère de la Grande Pyramide (1954). Au scénario, on trouve Schuiten mais aussi le metteur en scène Jaco Van Dormael et le romancier Thomas Gunzig. A la couleur, l’affichiste Laurent Durieux.
L’axe pris par les auteurs est résolument alarmiste et actuel, évoquant des sujets de société brulants : écologie, migration, dépendance à la technologie. Cela ne plaira pas à tous et on peut dire que ce n’est pas exactement l’esprit Jacobs. Quoiqu’il en soit, c’est bien amené. On sent la grosse patte Schuiten sur l’ensemble de l’album que ce soit dans la mise en scène ou le trait. La couleur apporte également une ambiance toute particulière, apportant mystère et mélancolie. Faut aimer… Personnellement, j’aimerais beaucoup voir l’album en noir et blanc. Il se suffirait à lui-même ainsi.
Notez qu’une version « luxe » en format à l’italienne est disponible. Chaque page y présente la moitié d’une planche de l’album standard. En effet, Schuiten a construit sa mise en page ainsi.
Qu’on aime ou pas Blake et Mortimer, ce hors-série propose un oeil nouveau sur la saga mais les adeptes resteront sans doute dubitatif. Il faut vraiment le prendre comme une interprétation, un hommage… Un bel album en tous cas. Avec Schuiten, on ne pouvait en douter…