Début 2010, le studio français Quantic Dream marquait les esprits avec son jeu Heavy Rain qui a l’époque faisait débat. En effet, son principe de «cinema intéractif» divisait les joueur. Pour ma part, j’avais aimé l’expérience comme j’aimais il y a 20 ans Dragon’s Lair ou Space Age, ces jeux magnifiques visuellement dans lequel il fallait actionner des touches au bon moment por déclencher l’action. Beyond Two Souls, c’est donc un peu cela. Un jeu qui n’en est pas vraiment un, basé sur le concept de Heavy Rain mais avec, malgré tout, un peu plus d’action…
Exclusif à la PS3, Beyond Two Souls a l’avantage de tirer partie des capacités de la console pour proposer certainement l’un des derniers plus beaux jeux de la PS3 avant l’arrivée de la PS4 le mois prochain. Après l’aspect polar de Heavy Rain, Beyond Two Souls nous emmène dans un univers un peu plus surnaturel. Techniquement, les personnages sont une nouvelle fois animés par motion capture via de réels acteurs comme Ellen Page ou Willem Defoe (c’est pas rien…). On y incarne en effet Jodie Holmes (Ellen Page) dans différentes étapes de sa vie, dès son enfance. Chaque chapitre nous emmène donc de manière désordonnée dans différents moments de sa vie et différents lieux.
L’intérêt de cette structure, c’est que le personnage de Jodie est tourmentée depuis son plus jeune âge par un étrange pouvoir ou plutôt une entité qui la possède. Nommé Aiden par Jodie, cette force surnaturelle et invisible lui permet de déplacer des objets, de prendre possession d’êtres humains ou encore de guérir les gens… Si Jodie peut demander des choses à Aiden, elle ne peut cependant pas vraiment le contrôler. D’ailleurs, c’est à nous, joueur, de contrôler et Jodie et Aiden en fonction des situations. Il faudra souvent jongler entre les deux via la touche triangle pour se tirer de certains mauvais pas. Car ce pouvoir va la confronter aux autorités assez vite mais aussi aux scientifiques avec des difficultés d’intégration dans la vie « normale »…
Lorsqu’on dirige Jodie, on est dans du jeu à la troisième personne avec un mouvement de camera assez limité via le stick droit. Le jeu est effectivement très dirigiste mais c’est le principe cinématographique qui veut cela. Comme dans Heavy Rain, les intéractions possibles sont symbolisées par des points blancs (pour ouvrir une porte, intéragir avec le décor, parler à quelqu’un, etc…). Lors des combats au corps à corps, il faudra diriger le stick droit dans la bonne direction au bon moment. Il faut en fait déclencher son coup lors d’un léger ralenti. Il s’agit ensuite de bien choisir sa direction en fonction du mouvement de l’ennemi. Concernant les dialogues, c’est comme dans Heavy Rain, différentes options s’offrent à nous sur l’écran et il faut choisir dans un temps imparti via la touche adequat. Les inscriptions sont vagues et décrivent des choix comme «mentir», «dire la vérité», «esquiver», «ne pas répondre», etc..
Lorsqu’on dirige Aiden, on se trouve dans une vue à la première personnage un peu trouble et déstabilisante. On y voit donc Jodie et le lien invisible qui nous lie à elle symbolisé ici par une lueur bleue. On a ici un peu plus de liberté puisqu’on peut aller dans tous les sens, monter descendre mais en veillant toujours à ne pas trop s’éloigner de Jodie. Ici, les intéractions sont symbolisées par des points bleus. En actionnant L1 on lock une action possible et avec les deux sticks on peut agir : en tirant les sticks vers l’extérieur pour faire bouger un objet par exemple ou en poussant les sticks vers l’intérieur pour prendre le contrôle d’un personnage ou bien l’étrangler… Oui, Aiden peut être violent mais c’est aussi au joueur d’en décider car lui seul peut arrêter Aiden quand il le souhaite. Lors des possessions de personnages, on dirigera parfois directement ceux-ci pour par exemple tuer un ennemi ou actionner une ouverture pour Jodie. On pourra aussi protéger cette dernière contre le feu ou des tirs ennemis ou bien la guérir d’une blessure.
Notez qu’il est possible de jouer à 2 en local pour contrôler Jodie par un joueur et Aiden par un autre. L’idée est plutôt bonne, notamment pour jouer en couple. Le style du jeu s’y prête vraiment.
Donc globalement, le titre propose peu de challenge. D’abord on est très (trop) guidé et dans des environnements finalement peu ouverts. Aussi, les combats par exemple, que ce soit avec Jodie ou Aiden, sont simples et il sera bien rare d’échouer. L’aventure se déroule donc, comme un film, sans embûche et avec, comme dans Heavy Rain, pas mal d’interactions accessoires comme : boire, manger, se laver, dormir, etc… A la longue, actionner R1 puis L1 pour enjamber une fenêtre, c’est un peu lassant et on cherche l’intérêt que cela peut avoir. On préfère diriger Aiden qui se bat contre d’autres forces obscures ou qui va faire voler dans les airs des objets de plus ou moins grosses tailles (d’une chaise à un camion…) ou bien certaines phases avec Jodie : conduite d’une moto, combats au corps à corps, tir à l’arme à feu…
Quoiqu’il en soit, Beyond Two Souls est plus qu’un jeu video, c’est une expérience virtuelle, une immersion dans une aventure ficelée tel un film de cinéma dont on ne ressort pas indemne et qui malgré tout nous captive du début à la fin. La réalisation est pour beaucoup dans cette immersion avec des modélisations de personnages exemplaires notamment au niveau des visages et de leurs expressions. On notera juste quelques limites graphiques dans certains décors ou certains objets. On sent en tous cas qu’un soin tout particulier a été mis sur les personnages et ce sont eux qui portent l’histoire. Pour parfaire le tout, le jeu dispose d’excellents doublages (VF ou VO) et d’une excellente musique (composée par Hans Zimmer et Lorne Balfe tout de même…).
Incarner Jodie dans différents moments de sa vie (enfants, ado, adulte…) plus ou moins mouvementés est un bonheur qui permet au fil du jeu d’en savoir plus sur sa particularité et sa cohabitation avec Aiden. Chapitre après chapitre on reste scotché à cette histoire mystique et émotionnelle pour avoir le fin mot de cette intrigue.
D’ailleurs, comme Heavy Rain, Beyond Two Souls dispose de plusieurs fins possibles en fonction des choix faits durant l’aventure. Un bon moyen de rejouer certains chapitres et de chercher par la même occasions les quelques bonus cachés.
Je pense que malgré ce qu’on peut lire ici ou là, Beyond Two Souls n’a pas à être le centre d’un débat houleux entre ceux qui pensent que c’est un jeu video et ceux qui pensent que ce n’en est pas un. C’est simplement une expérience interactive, ludique, émotionnel qui s’intercale parfaitement entre le cinema et le challenge videoludique. Un style de jeu qui a lieu d’être, qui trouvera son public et qui reste majeur dans l’industrie du jeu video. Une belle oeuvre en tous cas qu’il serait dommage de ne pas essayer.